Mgr Ébacher XXXVIII - La création gémit, espérant…
Un texte de saint Paul m’étonne depuis que je le connais. Le voici :
« En effet, la création attend avec impatience la
révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant,
non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir.
Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage
de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de
Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les
douleurs d’un enfantement qui dure encore. » (Romains 8, 19-22)
Paul vient juste d’affirmer la destinée éternelle des
chrétiens, des fils et filles de Dieu, par-delà les terribles souffrances du
Christ qu’ils ont à partager avec Lui : nous serons glorifiés avec
lui si nous souffrons avec lui. En quel sens cet objet de l’espérance
chrétienne, participer à la gloire du Christ ressuscité, est-il aussi celui de
toute la création? Et quelle est cette dégradation, quelles sont ces douleurs
d’enfantement que la nature doit d’abord subir? Et comment s’exprime son
espérance? Voilà ce qu’il faut scruter.
Selon saint Paul, le monde matériel créé est dans un état
chaotique, une situation de frustrations, de corruption, de décomposition.
Partout, il n’y a qu’effort pénible sans résultat durable. Agitation
infructueuse que ces morts qui se succèdent aux vies dans tous les êtres
vivants! Toutes les créatures qui entourent l’homme « ne jouissent pas
d’un destin sans trouble, d’une satisfaction permanente de leurs désirs; toutes
aspirent à ce qu’elles ne possèdent pas. » [1]
Cette situation est la suite du péché d’Adam. Car alors Dieu
a maudit la terre. Mais, dans sa grande miséricorde, Dieu lui a aussi donné une
espérance : celle de partager l’humaine rédemption. En voici la promesse
divine : « Dieu dit encore à Noé et à ses fils : “Voici que moi,
j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec
tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes
les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche. […] Voilà le signe de
l’alliance que j’ai établie entre moi et tout être de chair qui est sur la
terre.” » (Genèse 9, 8-17) C’est la confirmation de la bénédiction
donnée à l’origine quand, à la fin de toute la création, il est noté :
« Et Dieu vit que cela était bon. » (Genèse, 1, 18) La miséricorde
divine triomphe sur sa justice.
C’est pourquoi la création matérielle gémit dans les
douleurs d’un enfantement. Elle soupire. Elle halète, à bout de souffle. Elle manifeste
une faim angoissée, immense et universelle pour le but fixé pour l’humanité
elle-même : « la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. »
« Toute la création guette anxieusement, tend la tête […] pour mieux
apercevoir la glorification des élus, qui sera le signal de sa propre élévation. »[2] Cet accouchement du monde
depuis Adam durera jusqu’à la fin des temps.
Toute la création attend avec espérance l’aboutissement de
ce grand accouchement. Car il y a dans le plan éternel de la Rédemption une
communauté de destin entre la création matérielle et les humains, avec « les
enfants de Dieu ». Impatience universelle tempérée par l’espérance!
Prions avec l’Église qui, dans sa prière du matin du
dimanche I, présente le cantique des 3 enfants : Daniel 3, Hymne
de l’univers, en citant Romains 8, 19 : « la création
aspire de toutes ses forces à voir la révélation des fils de Dieu. »
Vous, les cieux, bénissez le Seigneur,
et vous, les eaux par-dessus le ciel, bénissez le Seigneur,
et toutes les puissances du Seigneur, bénissez le Seigneur!
Et vous, le soleil et la lune, bénissez le Seigneur,
et vous, les astres du ciel, bénissez le Seigneur,
vous toutes, pluies et rosées, bénissez le Seigneur!
Vous tous, souffles et vents, bénissez le Seigneur,
et vous, le feu et la chaleur, bénissez le Seigneur,
et vous, la fraîcheur et le froid, bénissez le Seigneur!
Et vous, le givre et la rosée, bénissez le Seigneur,
et vous, le gel et le froid, bénissez le Seigneur,
et vous, la glace et la neige, bénissez le Seigneur!
Et vous, les nuits et les jours, bénissez le Seigneur,
et vous, la lumière et les ténèbres, bénissez le Seigneur,
et vous, les éclairs, les nuées, bénissez le Seigneur :
À lui, haute gloire, louange
éternelle!
Que la terre bénisse le Seigneur :
À lui, haute gloire, louange
éternelle!
Et vous, montagnes et collines, bénissez le Seigneur,
et vous, les plantes de la terre, bénissez le Seigneur,
et vous, sources et fontaines, bénissez le Seigneur!
Et vous, océans et rivières, bénissez le Seigneur,
baleines et bêtes de la mer, bénissez le Seigneur,
vous tous, les oiseaux dans le ciel, bénissez le Seigneur,
vous tous, fauves et troupeaux bénissez le Seigneur :
À lui, haute gloire, louange
éternelle!
Et vous, les enfants des hommes, bénissez le Seigneur :
À lui, haute gloire, louange
éternelle!
† Roger Ébacher
[2] Marie-André Dubarle, dans Assemblées du Seigneur 46, p.11.

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