Une lettre à Jésus, en ce Noël si différent

Seigneur, est-ce Toi?

Depuis des milliers d’années, on célèbre Ta naissance à Noël. On se rassemble en famille, entre amis, on prend le temps de se retrouver. On mange ensemble, on se raconte, on rêve, on souhaite… Cette année, Seigneur, c’est la folie sur Terre. Un virus mortel s’est emparé de la planète. Il tue les plus vieux. Il fragilise les plus pauvres. Il est partout. Il fait la loi. À cause de lui, il n’y aura pas de Noël. Il est grand temps que Tu reviennes.

À moins que tout ça, ce ne soit déjà Toi?  Cet infiniment petit, couronné comme un Roi, qui questionne nos systèmes de valeurs, qui fait la loi, qui régit nos codes de vie en société qui divise les fratries - on y croit, on n’y croit pas, - c’est ton genre, non? Un virus qui nous force à se rapprocher autrement de l’Autre, ça te ressemble, quand même! Qui d’autre que Toi reviendrait, comme ça, jeter l’ombre et la lumière sur nos débats de société quant aux droits à la différence et à l’égalité? J’imagine déjà ton post : ‘’Que celui qui est sans péché clique le premier sur le p'tit pouce vers le bas.''

Ok, si ce n’est pas Toi, Seigneur, je t’en prie, sauve-nous. Le système de santé est épuisé. Les maîtres en enseignement n’ont plus de souffle. Les politiciens ne font plus de sens. L’économie repose sur je ne sais plus quel fonds de réserve. La peur, la division, le doute, la trahison, ça fait neuf mois que ça dure. Et le clivage dresse des murs entre les citoyens qui collaborent et les autres, convaincus du complot. Parfois, les briques tombent sur le même amour.

Neuf mois… C’est le temps que ça prend pour faire un petit bébé! Comment veux-tu que je ne pense pas encore à Toi?

Il y a deux mille ans, à Bethléem, la ville effectuait son recensement quinquennal. En 2020, à Gatineau, comme à Toronto, Washington, Manchester, Kinshasa, Shanghai, ou Sidney, ce sont les morts qu’on compte. Dans la foulée du grand décompte, chez vous, il n’y avait pas de place dans les auberges pour accueillir les pauvres dans leurs habits délabrés et puants. Chez nous, dans l’urgence actuelle, on compose sans bien considérer la sécurité, la dignité et le toit à donner aux itinérants, aux victimes de violence et aux enfants négligés. Les bergers vous ont offert un peu de chaleur au beau milieu de leur dépouillement. Ici, actuellement, les artistes prêtent leur voix et leurs talents aux opprimés renvoyés au bas de la liste des priorités.  Toi, l’Artiste de la création du monde, tu vas me faire croire que Tu n’as pas encore eu envie de t’en mêler?

Ta venue était attendue et guettée par tout le gratin royal et pesant de l’époque. Étonnamment, c’est aux moindres des nobles qu’elle a été annoncée, puis confirmée, par 3 mages, astrophysiciens, avertis par une étoile, qu’ils observaient de trois angles planétaires différents. Aujourd’hui, notre salut dépend de l’élite mondiale en microbiologie et virologie. Et ce minuscule corona virus a réussi à les convaincre de baisser le pavillon de la compétition et de se réunir- virtuellement en plus! - dans un même esprit de collaboration salvatrice. Tour de force ahurissant, Monsieur!

La Covid 19, c’est un virus microscopique en forme de couronne qui se promène et se propage dans l’air pour nous couper le souffle. Il me semble que T’étais venu pour nous en donner, du Souffle, justement. T’as fermé le gaz? On aurait oublié de le payer, c’est ça? On en aurait abusé? Ça t’a fâché qu’on choisisse de prendre nos puffs ailleurs? Ou Tu penses qu’on a oublié comment respirer? 

Pourtant, T’as vu comme le yoga est populaire?

Me voilà sur le bord de verser dans la conspiration, à mon tour. Mais, pas contre Toi, Seigneur. Parce que je reste convaincue que Tu es là, quelque part, et que Tu veilles. Quand je vois la solidarité qui émerge d’une équipe de travail pour offrir un Noël plein de générosité à une famille dans le besoin, je sais que Tu es là. Quand une chaîne de lettres brise celle de la solitude de milliers de personnes isolées, je reconnais ta signature. Quand la créativité s’invite en chansons aux balcons des résidents en CHSLD, je reconnais ta voix. Quand les organismes de charité réussissent leur mission malgré le manque de ressources et la multiplication des besoins, je sais que Tu collabores. Quand les moyens de communication explosent de mille possibilités et qu’on peut voir, entendre et sourire à nos proches sans se rassembler, je sais que Tu es là. Réellement là.

Le virus semble épargner les enfants. Et Toi, un jour, Tu as dit à une foule rassemblée pour t’écouter enseigner : ‘’Laissez venir à moi les petits enfants.’’ Que voulais-tu leur confier, Seigneur, qui ne se dise plus à nous, adultes? Ne pourrais-tu pas profiter de cette trêve dans leur horaire habituellement si chargé, pour leur faire ton précieux message? À Noël, cette année, ils auront une place de choix dans nos congés. Peut-être enfin pourrions-nous les écouter nous raconter l’Amour, la Paix, la Vie?

Oublie ma question du départ. Je sais que Tu es là et cela me suffit. Mais, tandis que j’y pense, et au risque d’être dénoncée, je t’invite : Veux-Tu venir fêter ton anniversaire chez nous, vendredi?
À vous qui me lisez, Joyeux Noël! Que cette nuit sainte soit pour nous tous et toutes la promesse d’une année nouvelle épurée. Puisse 2021 mettre en lumière nos différences, nos distinctions et nos contraires, et nous les offrir en richesse, comme l’or, la myrrhe et l’encens. Je nous souhaite la Paix, l’Amour, la Vie. Et beaucoup de santé, pour en profiter.

Josée Bourgault
Gatineau, 19 décembre 2020