Mgr Ébacher XXXIX - Oui, « la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement... » (Rm 8, 22)
Dans mon texte précédent (XXXVIII), j’ai scruté cette
affirmation qui m’étonne toujours. Mais je suis resté insatisfait! Existe-t-il
une explication plus concrète, factuelle, de cette réalité fondamentale? Après moult
recherches, je me suis souvenir du grand texte du pape François : Laudato si’[1].
Je l’ouvre et je suis tout étonné de lire dès le paragraphe 2 :
« … parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, notre terre
opprimée et dévastée, qui “gémit en travail d’enfantement” (Rm 8,
22) ».
« Dans cet univers, constitué de systèmes ouverts qui
entrent en communication les uns avec les autres, nous pouvons découvrir
d’innombrables formes de relations et de participations. […] La liberté humaine
peut offrir son apport intelligent à une évolution positive, mais elle peut
aussi être à l’origine de nouveaux maux, de nouvelles causes de souffrance et
de vrais reculs. » (79)
Voilà donc la piste à suivre pour parvenir à saisir un peu
plus ce que signifie le texte de saint Paul cité en titre! Mais elle est bien complexe
cette piste, car elle concerne en même temps ces divers systèmes intérieurs à
la création et ce que nous, les humains, causons de douleurs dans cet effort
d’enfantement de la création. J’ajoute que ce texte papal ne concerne que la
terre et les diverses interactions humaines avec notre planète. Il ne concerne
donc pas toute la création! Mais c’est quand même déjà énorme de traiter ainsi
de notre unique maison commune et de ce que nous y en faisons! Et il faudrait,
avec le pape François, demander le don des larmes en constatant toutes les
blessures que nous faisons à notre unique maison commune, la terre.
Cette terre, saint François d’Assise la voyait « comme
une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle,
qui nous accueille à bras ouverts. […] Cette sœur crie en raison des dégâts que
nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que
Dieu a déposés en elle. » (1-2)
D’où les longues considérations du pape sur « ce qui se
passe dans notre maison commune. » (17) « L’accélération continuelle
des changements de l’humanité et de la planète s’associe aujourd’hui à
l’intensification des rythmes de vie et de travail, dans ce que certains
appellent “rapidación”. Bien que le changement fasse partie de la
dynamique des systèmes complexes, la rapidité que les actions humaines lui
imposent aujourd’hui contraste avec la lenteur naturelle de l’évolution
biologique. […] Le changement est quelque chose de désirable, mais il devient
préoccupant quand il en vient à détériorer le monde et la qualité de vie d’une
grande partie de l’humanité. » (18)
Mais le pape constate avec joie : « Une
partie de la société est en train d’entrer dans une phase de plus grande prise
de conscience. On observe une sensibilité croissante concernant aussi bien
l’environnement que la protection de la nature, tout comme une sincère et
douloureuse préoccupation grandit pour ce qui arrive à notre planète. Faisons
un tour, certainement incomplet, de ces questions qui aujourd’hui suscitent
notre inquiétude, et que nous ne pouvons plus mettre sous le tapis. L’objectif
n’est pas de recueillir des informations ni de satisfaire notre curiosité, mais
de prendre une douloureuse conscience, d’oser transformer en souffrance
personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi de reconnaître la
contribution que chacun peut apporter. » (19)
Le pape, s’appuyant sur des études sérieuses, énumère ces
blessures et souffrances que nous causons à la création, en fait à notre
planète la terre. Pollution atmosphérique, insecticides, désherbants, déchets
pas biodégradables, déchets industriels et agricoles, événements
météorologiques extrêmes, pollution de l’eau, perte de la biodiversité,
déboisement, dégradation jusqu’au fond des océans…
En conclusion de ces longues considérations bien établies et
qui mériteraient toutes d’être citées ici, le pape insiste sur le fait suivant.
« Toutes les créatures sont liées, chacune doit être valorisée avec
affection et admiration, et tous en tant qu’êtres, nous avons besoin les uns
des autres. » (42)
« Ensemble, avec toutes les créatures, nous marchons
sur cette terre en cherchant Dieu. […] Marchons en chantant! Que nos luttes et
notre préoccupation pour cette planète ne nous enlèvent pas la joie de
l’espérance. » (244)
Récemment, le pape Léon XIV a repris ce message fondamental.
À l’être humain, la créature la plus belle, faite à l’image et à la
ressemblance de Dieu « est associée une grande responsabilité : celle
de protéger toutes les créatures, dans le respect du dessein du Créateur (cf.
Gn 2, 15). »
« La sauvegarde de la Création, donc, représente une
véritable vocation pour chaque être humain, un engagement à accomplir dans la
Création même. […] C’est pourquoi il est important, comme l’écrivait mon
prédécesseur, de “retrouver l’harmonie sereine avec la Création, à réfléchir
sur notre style de vie et sur nos idéaux.” (Enc. Laudato
si’, n. 225). »[2]
J’en conclus que, oui, la création, et ici on se limite à
parler de notre terre, gémit par son dynamisme interne lui-même. Mais nos interventions
souvent désastreuses augmentent ces gémissements. Ces interventions ont été
identifiées, documentées par le pape François. Il est temps, dit le pape Léon
XIV, de passer à l’action!
Regardant l’ensemble de ce processus, il faut voir là un
accouchement, certes fort douloureux, mais quand même un processus plein d’espérance
et de belles promesses. Et il repose finalement entre les mains de notre
créateur qui saura bien mener à terme ce douloureux accouchement de toute sa
création jusque dans la gloire éternelle.
Prions avec le pape François :
Dieu Tout-Puissant
qui es présent dans tout l’univers
et dans la plus petite de tes créatures,
Toi qui entoures de ta tendresse tout ce qui existe,
répands sur nous la force de ton amour pour que
nous protégions la vie et la beauté. […]
Guéris nos vies,
pour que nous soyons des protecteurs du monde
et non des prédateurs,
pour que nous semions la beauté
et non la pollution ni la destruction.
Touche les cœurs
de ceux qui cherchent seulement des profits
aux dépens de la terre et des pauvres.
Apprends-nous à découvrir
la valeur de chaque chose,
à contempler, émerveillés,
à reconnaître que nous sommes profondément unis
à toutes les créatures
sur notre chemin vers ta lumière infinie.[3]
† Roger Ébacher.

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