Mgr Ébacher XXXIII - « Espérant contre toute espérance… » (Paul, Romains 4, 18)


Saint Paul a beaucoup parlé de l’espérance dans ses enseignements aux jeunes chrétiens, juifs ou païens, récemment convertis à l’Évangile. Déjà, nous avons brièvement analysé 1 Corinthiens, 15 (voir document XXXI). Mon plan est maintenant de relire d’autres textes pauliniens sur l’espérance pour nous aider à devenir de jour en jour de meilleurs, de plus fervents « pèlerins d’espérance », particulièrement en cette année jubilaire qui nous y incite avec force et douceur.

Examinons un texte particulièrement difficile, mais qui recèle sans doute quelque lumière pour notre vie quotidienne. Il s’agit d’Abraham. « Espérant contre toute espérance, il a cru; ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations, selon cette parole : Telle sera la descendance que tu auras! Il n’a pas faibli dans la foi quand, presque centenaire, il considéra que son corps était déjà marqué par la mort et que Sara ne pouvait plus enfanter. Devant la promesse de Dieu, il n’hésita pas, il ne manqua pas de foi, mais il trouva sa force dans la foi et rendit gloire à Dieu, car il était pleinement convaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis. » (4, 18-22)

Quand Dieu appela Abraham et lui demanda de partir de son pays vers un ailleurs inconnu, il était déjà âgé et sans enfant. Dieu avait bien pourtant promis une descendance à cet homme. Abraham a continué à croire dans ces circonstances désespérées. Il s’est fié, confié à la Promesse de Dieu. Il a « espéré contre toute espérance » parce qu’il a cru en cette promesse tellement extraordinaire qu’il ne pouvait absolument pas espérer atteindre par des moyens naturels. Il a cru en la fidélité de Dieu à sa Promesse.

C’est cela, espérer! Abraham a dû sacrifier toute logique humaine et choisir de s’en remettre à Celui qui l’a appelé et envoyé vers un pays inconnu avec une promesse humainement irréalisable! Voilà un grand acte d’espérance qui s’étale sur une longue période de sa vie, mise à dure épreuve!

Le désespoir n’a aucune prise sur son âme! Espérer, c’est persévérer dans la foi confiante même si nos précédents efforts n’ont pas porté de fruit. Espérer contre toute espérance, c’est s’appuyer sur Dieu, en se souvenant que si nos efforts ont été improductifs, la main de Dieu demeure toute-puissante. Continuer d’« espérer contre toute espérance », c’est s’abandonner à la toute-puissance fidèle et amoureuse de Dieu.

Abraham a pris Dieu au mot et a cru en sa capacité de créer ce qui semblait impossible, mais qui était bien promis. Il a « espéré contre toute espérance »! La foi d’Abraham « est une longue marche; inscrite dans la durée, la foi devient espérance. Il ne s’agit pas d’un espoir prévisible, mais d’une ouverture au Dieu de l’impossible. […] Face à l’impossible humaine, la foi ne peut qu’espérer contre toute espérance. Abraham, père de la foi, est aussi père de l’espérance. » (Marc Schoeni)

« Le centre de la foi est la pleine espérance que Dieu accomplira sa parole parce qu’il est tout-puissant. Rien ne peut l’empêcher de réaliser ce qu’il a décidé et promis. Il est le maître souverain de la vie et de la mort. On pourrait dire ici que la foi est le sens de la puissance de Dieu (comme l’ouïe est le sens du son). Cet aspect de la foi fonde l’espérance par laquelle l’homme s’en remet à Dieu de son avenir tel que Dieu lui-même l’a garanti par sa parole. » (Robert Baulès)

J’aime cette parenthèse : la foi est à l’espérance comme l’ouïe est au son! Sans son, l’oreille est inerte. Elle est bien là, mais ne peut pas exercer sa mission de transmettre à toute la personne les réactions appropriées, et rendre toute la personne dynamique. La foi reçoit et accueille dans ma vie ce que lui fournit l’espérance en la puissance de Dieu et en sa capacité d’être fidèle à ses promesses. Sans cette espérance, la foi risque de demeurer amorphe, sans dynamisme. Avec cette ferme espérance, c’est toute la vie du croyant qui est vitalisée, dynamisée, orientée, attirée avec force par la fidélité de Dieu à sa Parole, à sa Promesse. N’est-ce pas là une dimension essentielle de notre vie quotidienne chrétienne? C’est ainsi que la vie d’Abraham est devenue un chemin d’espérance, comme on peut le lire dans Hébreux ch. 11. Que son exemple nous soutienne dans notre marche quotidienne!

Laissons cette réflexion pénétrer notre mémoire et notre cœur. Dans les diverses circonstances de notre vie, circonstances souvent déroutantes, décourageantes, il faut s’attacher à cette certitude : « À Dieu rien n’est impossible ». Il nous aime et nous veut heureux avec lui pour toujours. Quelles que soient les difficultés qui risquent de nous entraîner dans le désespoir, souvenons-nous d’Abraham qui a « espéré contre toute espérance », croyons en ce Dieu aux promesses « folles », mais qu’il sait bien réaliser pleinement.

Et pour approfondir cette vérité, contemplons Jésus dans son agonie. Il a « espéré contre toute espérance » et son Père l’a comblé en le ressuscitant pour une vie éternelle de bonheur. C’est aussi notre vocation, notre destination! Espérons toujours! Tel est notre chemin de vie chrétienne. Tel est notre pèlerinage.

Prions avec l’Église :

Nous t'en prions, Seigneur,

donne-nous de vivre en plein accord

avec le mystère pascal que nous célébrons dans la joie;

qu'il nous protège toujours par sa puissance

et nous apporte le salut.

Par Jésus-Christ, ton Fils, notre Seigneur,

qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,

Dieu, pour les siècles des siècles.

Oraison du vendredi 5e semaine du temps pascal

† Roger Ébacher


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