Mgr Ébacher XXVII - La souffrance, école d’espérance
La souffrance fait partie de l'existence humaine. Il faut
faire tout ce qui est possible pour l’atténuer. Mais l'éliminer complètement du
monde n'est pas dans nos possibilités. Je cite Benoît XVI[1] : « Ce n'est pas
le fait d'esquiver la souffrance, de fuir devant la douleur, qui guérit
l'homme, mais la capacité d'accepter les tribulations et de mûrir par elles,
d'y trouver un sens par l'union au Christ, qui a souffert avec un amour infini. »
(37)
« L'homme a pour Dieu une valeur si grande que Lui-même
s'est fait homme pour pouvoir compatir avec l'homme de manière très réelle,
dans la chair et le sang, comme cela nous est montré dans le récit de la
Passion de Jésus. De là, dans toute souffrance humaine est entré quelqu'un qui
partage la souffrance et la patience; de là se répand dans toute souffrance la con-solatio; la consolation de l'amour
qui vient de Dieu et ainsi surgit l'étoile de l'espérance. […] Les saints ont
pu parcourir le grand chemin de l'être-homme à la façon dont le Christ l'a
parcouru avant nous, parce qu'ils étaient remplis de la grande espérance. »
(39)
J’ajoute une méditation de saint Pierre Damien qui est plus
concrète, directe, suggestive. Je vous invite à bien la méditer.
Tu m’as demandé, mon très cher, de t’envoyer par lettre des
paroles de réconfort et d’adoucir par de cordiales exhortations l’amertume de
ton cœur, au milieu de tous les malheurs dont tu souffres. Mais si la réflexion
de ta prudence n’est pas assoupie, le réconfort est à ta portée, puisque les
paroles mêmes qui te promettent l’héritage montrent de façon indubitable que tu
es instruit par Dieu comme un fils.
Qu’y a-t-il de plus clair, en effet que cette exhortation :
« Mon fils, si tu prétends servir Dieu, demeure dans la justice et la
crainte, et prépare ton âme à l’épreuve ». Car là où il y a la crainte, il
y a aussi la justice, et l’épreuve de n’importe quelle contradiction n’est pas
un supplice d’esclave, mais plutôt une éducation paternelle. Et c’est pourquoi
le bienheureux Job, après avoir dit, sous les coups de l’épreuve : « Qu’il
continue, qu’il m’écrase, qu’il retire sa main et me supprime! » ajoute aussitôt :
« J’aurai du moins cette consolation : celui qui m’afflige ne me
ménage pas la douleur ».
Oui, pour les élus de Dieu, c’est une grande consolation
d’être frappés par lui. Par les calamités passagères qu’ils endurent, se
fortifie leur espérance de marcher jusqu’à la gloire de la béatitude céleste.
Si l’artisan écrase l’or avec son marteau, c’est pour en éliminer les impuretés;
s’il le racle souvent avec la lime, c’est pour faire briller davantage la
substance de ce métal scintillant : « Le four met à l’épreuve le vase
du potier, et l’affliction éprouve le juste. » Ce qui fait dire à saint
Jacques : « Quand vous butez sur toutes sortes d’épreuves, pensez que
c’est la joie parfaite ». Ils ont donc raison de se réjouir, ceux qu’une
affliction passagère frappe ici-bas pour le mal qu’ils ont fait, tandis que
leur sont réservées dans le ciel, pour le bien qu’ils ont accompli, des
récompenses éternelles.
Par conséquent, très cher et très doux frère, alors que tu
es criblé de coups, alors que tu es châtié par les meurtrissures, que t’inf1ige
l’éducation céleste, ne tombe pas dans le désespoir, ne laisse échapper aucune
plainte amère, ne t’enfonce pas dans la tristesse, ne deviens pas impatient par
manque de courage. Aie toujours le sourire au visage, la gaieté au cœur,
l’action de grâce à la bouche. Il faut toujours louer le plan de Dieu :
s’il frappe les siens pour un temps, c’est pour les dérober aux châtiments sans
fin; s’il écrase, c’est pour élever; s’il tranche, c’est pour guérir; s’il
abat, c’est pour faire monter. Par les témoignages de la sainte Écriture que je
viens de citer et par d’autres, mon bien-aimé, arme ton âme de patience et
attends dans l’allégresse la joie qui succédera à la tristesse.
Que l’espérance te conduise vers cette joie, que la charité
enflamme ton enthousiasme afin que, dans cette ivresse, l’âme oublie ce qu’elle
souffre au-dehors pour s’épanouir en se dirigeant vers ce qu’elle contemple
au-dedans.[2]
† Roger Ébacher
25 août 2025
[1]
Benoît XVI, Encyclique sur l’espérance : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20071130_spe-salvi.html
Il développe ce thème dans 4 chapitres (36 à 39) très
denses, trop denses pour être ici résumés. Je me limite à quelques citations.
Par ailleurs, en commentant La Lettre aux
Hébreux, j’ai développé en deux textes ce thème de la relation essentielle
entre souffrances et espérance dans la vie chrétienne. Les revoir plus
haut : XVII et XVIII.
Commentaires
Enregistrer un commentaire