Mgr Ébacher X - Méditations sur Jésus crucifié et ressuscité
Pour soutenir notre méditation durant la semaine sainte, je reproduis trois textes du cardinal Albert Vanhoye, le grand exégète de la Lettre aux Hébreux. Le premier approfondit le sens des souffrances dans la vie et la mort de Jésus. Le second explique que Jésus ressuscité montre le chemin de notre destinée humaine. Le troisième affirme que la contemplation de Jésus ressuscité nous stimule à être des « pèlerins d’espérance » actifs.
1.- La croix, triomphe de la douceur divine
Par la croix, le Christ a atteint sa perfection sacerdotale, qui est perfection de relations. Mais il importe d’éviter une confusion. L’établissement des liens nouveaux qui ont fait du Christ le prêtre parfait n’est pas dû à la souffrance et à la mort, mais bien à une action divine qui a triomphé de la souffrance et de la mort. Par elles-mêmes, en effet, la souffrance et la mort font œuvre de destruction. Loin de favoriser la communion, elles y mettent obstacle. L’homme qui souffre voit diminuer sa capacité de participation à la vie de société. Il est porté à se replier sur lui-même et à se séparer des autres, surtout si sa souffrance est provoquée par eux. Il est tenté de se révolter contre Dieu. La mort porte à l’extrême cette entreprise de dissolution des liens. Pour cette raison, la souffrance et la mort sont le contraire d’un sacrifice. Elles ne peuvent entrer dans un sacrifice que grâce à une action divine qui les transforme en inversant leur sens. D’obstacle à la communion, elles doivent devenir moyen d’une communion plus étroite.
Tel est bien le renversement paradoxal réalisé par la croix du Christ dans les circonstances les plus défavorables qui soient. Des souffrances extrêmes infligées au mépris de toute justice (trahison, procès inique, condamnation injuste, insultes et mauvais traitements, flagellation, crucifixion) ont été surmontées avec une générosité inouïe. Au lieu d’aboutir à leur conséquence naturelle, qui aurait été la rupture de toutes les relations, elles ont été mises au service de la réconciliation entre tous les hommes et de leur communion avec Dieu. Tout cela, « grâce à l’Esprit éternel » (He 9, 14), dont l’intervention a été appelée dans une prière intense et accueillie avec une admirable docilité (5,7-8). Le sacrifice ne consiste donc pas dans la violence subie, mais dans la victoire de la douceur divine qui triomphe de la violence sans se laisser aucunement contaminer par elle.
2.- La solidarité fraternelle avec Jésus ressuscité (He 2,11)
Dans la passion du Christ, la docilité filiale envers Dieu ne s’oppose nullement à la solidarité avec les hommes. Au contraire, ces deux dispositions se renforcent mutuellement. […]
Pour démontrer le caractère « normal » du chemin choisi par Dieu pour le Christ, il faut recourir au principe de solidarité : celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés doivent ne former qu’un seul tout. Autrement la sanctification ne pourrait passer de lui à eux. Si, pour avancer vers Dieu, le Christ avait pris un chemin merveilleux qui l’eût soustrait à la condition humaine, il n’aurait pas été en mesure, par la suite, d’ouvrir aux hommes un accès auprès de Dieu. Pour remplir sa mission de « pionnier », il lui fallait prendre leur chemin de souffrance et de mort, et le faire déboucher sur une « perfection », qui vaudrait en même temps pour eux (cf. He 10, 14). C’est pourquoi l’action divine qui a abouti à la glorification du Christ a respecté les liens de sa solidarité humaine.
Elle les a non seulement respectés, mais renforcés. À première vue, on pourrait penser que la gloire du Christ établit une distance entre lui et les hommes. Ne va-t-il pas désormais « avoir honte de les appeler ses frères », eux si misérables? En réalité, le Christ ressuscité est plus que jamais le frère des hommes. Non, « il n’a pas honte de les appeler ses frères » (cf. Mt 28, 10; Jn 20, 17). Car la gloire qu’il possède, il l’a obtenue en poussant à l’extrême sa solidarité avec eux; c’est la gloire d’être allé jusqu’au bout de l’amour (Jn 13, 1). Et d’avoir donné pour eux sa vie. Cette gloire d’ailleurs, c’est pour eux qu’il la possède. Dieu la lui donne pour qu’il la leur transmette. Grâce à lui, chaque croyant est assuré de trouver le plein accomplissement de sa vocation d’homme.
C’est ainsi que le mystère du Christ illumine le chemin des hommes. […] Il nous engage à adhérer sans réticence à notre vocation d’homme, en nous montrant que cette vocation s’accomplit dans la docilité filiale envers Dieu et la solidarité envers tous nos frères.
3- Jésus ressuscité nous encourage à marcher dans l’espérance
Au réconfort que nous apporte la certitude de la constante intercession du Christ s’ajoute, d’autre part, une perspective stimulante : la contemplation du Christ glorifié nous encourage à nous engager généreusement dans la vie qui l’a conduit à la gloire. « Nous devons courir avec constance l‘épreuve qui nous est proposée, fixant les yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus (…) qui endura une croix dont il méprisa l’infamie et qui est assis désormais à la droite du trône de Dieu » (He 12, 1-2). La gloire actuelle du Christ ne fait pas oublier sa croix; au contraire, elle met en évidence la valeur extraordinaire de celle-ci, communiquant ainsi toute la force d’âme dont on a besoin dans les épreuves de la vie et dans la lutte contre le mal. L’espérance chrétienne est une vertu active.
Et prions avec un hymne :
Puisque Dieu nous a aimés
Jusqu’à nous donner son Fils
Ni la mort, ni le péché
Ne sauraient nous arracher
À l’amour qui vient de Lui.
Au grand arbre de la Croix
L’amertume n’a pas cours.
L’innocent qui souffre là
Nous révèle pour toujours
Que les pauvres sont aimés.
Et quand l’homme des douleurs
Sort vivant de son tombeau,
Nous pouvons reprendre cœur
Et renaître dans une eau
Qui nous lave pour toujours.
Puisque Dieu nous a choisis
Comme peuple de sa paix,
Comment voir un ennemi
Dans quelque homme désormais
Pour lequel Jésus est mort ?
† Roger Ébacher
14 avril 2025
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