Voici une belle réflexion du père Hyacinthe Allagbé, l’accompagnateur spirituel aux Jardins du Souvenir
Il y a quelques mois, un homme qui a gardé sa mère chez eux
quelque trois décennies se retrouvait impuissant devant la mort de celle-ci.
Pour préparer ses funérailles, il avait préféré que cela se passe chez eux. Il
s’assit dans le fauteuil où se reposait sa mère, caressait l’accoudoir,
touchait les objets à côté, résistant au jaillissement du liquide qui inondait
ses yeux. Puis, au bout d’un certain temps, exprime ce qu’il essayait de ne pas
exprimer « c’est un grand vide, il me semble que je le ressens dans mon cœur,
cela me creuse.» Et vraiment, à y regarder de près, c’est un vide, un manque,
une faim, un jeûne qui s’impose, une faim qui demande à être comblée par un
autre jeûne : celui d’accueillir le manque pour le combler spirituellement dans
la reconnaissance de toutes les faims que cette présence comblait. Son
sentiment était incroyablement vrai.
En effet, le jeûne nous arrache certains délices de la vie.
Et donc, comme le deuil, il nous plonge dans un manque qui exige un changement
de vision et de vie. Un père, une mère, un époux, une épouse, une personne
chère qui nous quitte crée ce vide, ce manque. Cela nous fait percevoir notre
vulnérabilité. Et c’est justement là le tournant du deuil. Tel les habitants du désert chaud qui boivent
du chaud en temps de chaleur, ainsi travaille le jeûne pour les endeuillé(e)s.
Cela nous permet d’être présents à nous-mêmes pour entrer dans ce temps de
manque, y faire corps, en faire nôtre pour le surmonter. Le surmonter suppose
de reconnaître et d’accepter le choc, de reconnaître et dépasser le déni, de
reconnaître les raisons de sa peur. Cela constitue un jeûne, c’est-à-dire un
renoncement à un besoin naturel et vital pour aller de l’avant vers un
recentrement de sa vie. Aussi, est-il prouvé que se donner un temps de jeûne et
de privations diverses facilite la sortie du deuil. C’est tout un entraînement
qui nous fait grandir.
C’est dans un pareil entraînement que les chrétiens et les
chrétiennes entrent ces jours-ci, par le carême. Ce temps invite à renoncer à des
besoins et désirs naturels, sinon, à vivre l’abstinence, l’ascèse, le jeûne
pour donner de la place au désir de combler une faim spirituelle. Il s’agit
d’un entraînement pour grandir. Il s’agit de s’exercer pour changer de vie.
Tant le deuil d’une personne qui nous quitte que le deuil de soi dans ses
désirs, pour une vie meilleure, nous mènent au même but : redonner sens à son
existence en se recentrant sur l’autre, le Tout-Autre, pour repartir à neuf,
pour renaître à nouveau, sinon ressusciter. Nous nous forçons à remonter la
pente raide pour percevoir le soleil, pour passer des ténèbres à l’admirable
lumière.
Que ce temps de carême de ceux et celles qui croient à un
Christ sauveur nous fasse vivre nos différents deuils nécessaires pour parvenir
à une vie renouvelée. Avec les mots de Jean-Paul II « N’ayez pas peur », prenez
courage à avancer avec de fortes résolutions, puis, la vie rejaillira.
Hyacinthe Allagbé, cjm
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