Lectures faites, lectures partagées

L'abbé Rodhain Kasuba nous partage ses impressions de quelques livres qu'il a lus récemment. Ça donne le goût de l'imiter.

-Jacques Lison, Le bon Dieu permet-il vraiment le mal ? (2018). 


Dans ce petit livre de 32 pages, Jacques Lison prend à bras le corps la question de la relation entre Dieu et le mal, et il la met à la portée de tous. Lire ce livre c’est arpenter avec l’auteur ce massif, que représente le mal, avec ses tracés sinueux, ses détours, ses contours et ses sommets. C’est au final offrir au regard une nouvelle perspective. L’auteur le fait avec rigueur, passion et érudition. Débusquant les pièges auxquels aboutissent certaines justifications de la bonté de Dieu en dépit du mal qui existe dans le monde, il interroge la parabole de Job et nous invite à devenir partenaires de Dieu dans la lutte contre les sources du mal. 


- Pape François, L’exhortation apostolique Soyez dans la joie et l’allégresse. 


Au début du ministère du pape François, un prêtre jésuite américain, le père Ryan Duns, le qualifiait de « jazzman ». Il établissait par là un lien entre le style de la musique jazz et le style pastoral de l’évêque de Rome. Il écrivait alors : « Le pape François est davantage un musicien de jazz, à même de se caler dans la rythmique profonde de la musique qui l'entoure et de jouer avec, l'adapter et la transformer. Ses mots ne colonisent pas la musique autour de lui, ne l'éclaboussent pas, mais l'envoient dans une nouvelle tonalité – celle du Christ – et nous rappelle à tous que le Christ est la véritable clé à la musique de notre vie. » Force est de constater que ce rapprochement n’est pas dénué de sens. Au fil des années, dans ses gestes, dans ses paroles et dans ses écrits, le pape François n’en finit pas de nous surprendre. Sa dernière exhortation apostolique en est un exemple. Tout comme dans La Joie de l’Évangile (2013) et dans La joie de l’amour (2016), dans la dernière exhortation apostolique Soyez dans la joie et l’allégresse (2018), le pape nous rappelle le lien très intime entre la vie chrétienne et la joie. La joie est résolument l’un des marqueurs de son ministère pastoral. L’exhortation porte en fait sur la sainteté. Une lecture sommaire de celle-ci laisse croire que le pape François nous en donne une vision volontariste. Pourtant, le saint Père réussit à mettre ensemble la grâce et la part humaine. Ce vibrant appel à la sainteté, rédigé comme un Cours 101 autour de cinq méditations, est traversé par le souffle palpable des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Aussi, voit-on se dévoiler en filigrane un précieux témoignage du récit de sa propre vie de foi et de sa quête intérieure. Le pape s’adresse à nous dans une familiarité très affectueuse. Sans prétendre écrire un traité sur la sainteté, il nous partage l’idée qu’il se fait de celle-ci, comme les moyens d’y arriver : ces derniers sont accessibles à tous et toutes. À peine sortie, cette exhortation croise malheureusement déjà la route des traditionnels détracteurs du pape qui, à l’instar des scribes et pharisiens, guettent à la loupe ses moindres dires et gestes. En cause cette fois-ci, le rappel insistant du pape que l’accueil des migrants n’est pas secondaire par rapport aux questions bioéthiques. En cela, oui, le pape dérange. 


-Yves Duteil, Et si la clé était ailleurs (2017). 


Qui, après avoir lu La petite musique du silence (2013), n’a pas éprouvé une sorte de ravissement intérieur? Yves Duteil nous revient avec un nouveau livre. L'auteur-compositeur-interprète français, connu surtout dans Prendre un enfant par la main, se confie comme sans doute il ne l'a jamais fait. Page après page, on chemine en compagnie de l’artiste dans sa recherche spirituelle. Ses mots murmurent sa vie, crie sa passion d’artisan de la chanson. Ils évoquent son regard sur la vie et ses mystères, disent ses sentiers de spiritualité, traduisent sa quête de sens, sans occulter ses interrogations. 


-Joseph Ratzinger, Foi et Avenir (1971). 


Refuser de lire ce livre au motif que sa date de parution est lointaine ou à cause du nom « Ratzinger », c’est passer à côté d’une pépite. J’ai failli m’y méprendre, n’eût été l’insistance d’un ami m’invitant à m’y plonger. Le regard que le théologien Ratzinger posait sur l’Église est d’une rare actualité. Avec une lucidité affinée, l’auteur aborde la question de l’avenir de l’Église dans une société et à une époque qui se trouvaient être à ce moment-là en pleine mutation culturelle et sociale. Je vous laisse apprécier la justesse de son regard sur l’Église dans ces quelques extraits : « De la crise d’aujourd’hui, écrit-il, émergera une Église qui aura perdu beaucoup. Elle deviendra petite et devra repartir plus ou moins des débuts. Elle ne sera plus en mesure d’habiter la plupart des édifices qu’elle avait construits au temps de sa prospérité. Et étant donné que le nombre de ses fidèles diminuera, elle perdra aussi une grande partie des privilèges sociaux (…). Elle resurgira par les petits groupes, les mouvements et une minorité (…). Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s’arrogera pas un mandat politique flirtant de-ci avec la gauche et de-là avec la droite (...). En fait, le processus de la cristallisation et de la clarification la rendra pauvre, la fera devenir une Église des petits, le processus sera long et pénible (…), mais après l’épreuve de ses divisions, d’une église intériorisée et simplifiée sortira une grande force. » Un livre à lire… (On peut le trouver à la bibliothèque de l’université d’Ottawa). 

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