Homélie de Mgr Durocher à la CÉCC en la fête de Saint Padre Pio, 23 septembre 2013


Je dois admettre que je ne connaissais pas beaucoup Padre Pio avant de me retrouver à Rome comme étudiant en théologie à l’âge de quarante ans. J’étais allé à la pharmacie me procurer un médicament : j’ai été frappé par la grande photo du Padre Pio accroché sur le mur derrière la caisse. De retour à la résidence, on m’a expliqué à quel point Padre Pio était le saint préféré des Italiens. De fait, j’ai commencé à remarquer toutes les photos du saint qu’on pouvait trouver dans les magasins de Rome.

Ce phénomène m’a frappé encore plus lorsque je me suis retrouvé au Vatican pour ma première visite æ limina en tant qu’évêque. C’était en mai 1999. La date retenue pour la visite des évêques de l’Ontario coïncidait avec la béatification de Padre Pio. Je me souviens d’être assis sur l’esplanade de la place St-Pierre, non loin de l’autel, ému par la foule immense qui s’y était rassemblée pour l’événement, profondément touché par la joie et la dévotion de ce peuple.

L’an dernier, lors de la visite annuelle de la présidence de la CÉCC au Vatican, je suis entré par curiosité dans une de ces nombreuses églises qui abondent dans le centre historique de Rome. Celle-ci s’appelle San Salvatore in LauroJe ne savais pas que c’est aussi le sanctuaire romain consacré à Padre PioJ’y ai trouvé une sculpture remarquable  :  Padre Pio, à la place de Simon de Cyrène, aidant Jésus à porter sa croix. Jésus a le visage tourné pour regarder Padre Pio, celui-ci n’d’yeux que pour son Sauveur. Quelle belle expression de l’union intime du disciple et de son maître. Quelle puissante évocation de l’expression de Saint Paul : « Avec le Christ, je suis fixé à la croix : je vis, mais ce n’est plus moi; c’est le Christ qui vit en moi. »

Il y eut une époque dans l’Église où l’on se glorifiait des mortifications qu’on pouvait s’imposer : jeûnes, pénitences, autoflagellationveilles, travaux onéreux, nourriture exécrable. Dans tout ceci, on tentait de s’unir au Christ dans sa souffrance sur la croix. Mais ce courant spirituel, qu’on identifie aujourd’hui comme le dolorisme, risquait d’oublier un fait capital. Sur la croix, Jésus a transformé sa souffrance, et la violence qui en était la cause, en geste d’amour, de pardon, de don ultime de lui-même au Père et à nous. Rappelons-nous les paroles du Pape Jean-Paul II : « L’Esprit Saint, en tant qu’Amour et Don, descend, en un sens, au cœur même du sacrifice offert sur la Croix... Il consomme ce sacrifice par le feu de l’Amour qui unit le Fils au Père dans la communion trinitaire."

Ainsi, le mystère de la Croix n’est-il pas d’abord un mystère de souffrance, mais un mystère d’amour : amour de Dieu, amour des enfants de Dieu. Les deux axes de la Croix évoquent ces deux amours d’une façon visuelle : la poutre verticale nous rappelant le mouvement qui unit le ciel et la terre, la poutre horizontale nous rappelant le mouvement qui unit tous les humains en un seul corps.
Lorsque Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive, il ne les invite pas à la souffrance, mais à l’amour : amour de Dieu, amour des humains. Certes, l’amour comporte son poids de souffrance, cela est inévitable; mais c’est à l’amour que nous convie Jésus.

Padre Pio a compris cela. Il ne se glorifiait pas de ses souffrances, il les trouvait plutôt gênantes. Il aurait voulu que ses stigmates soient purement intérieures, afin qu’elles n’attirent pas d’attention. Il désirait plutôt que notre attention soit portée sur le Christ à aimer et à imiter, et sur nos frères et sœurs, surtout les plus pauvres, à aimer et à soigner. La grande œuvre qu’il a laissée n’est pas un sanctuaire, mais un hôpital. Dès que sa réputation a commencé à attirer vers lui les pauvres et les malades, il a voulu qu’on leur construise un centre de soins physiques et spirituels. En 1956, lors du premier anniversaire de l’ouverture de sa Casa Sollievo della Sofferenza, il disait : “L’amour est l’actualisation et la communication de la vie surabondante que Jésus a déclaré être venu donner.... L’amour divin se fortifie dans l’esprit du malade grâce à l’amour de Jésus crucifié qui émane de ceux qui l’assistent dans l’infirmité de son corps et de son esprit... Ici, les patients, les médecins, les prêtres seront des réserves d’amour qui, plus il abonde dans le cœur de l’un, plus se communiquera à l’autre.

Ces paroles d’un saint qui avait reçu le nom François lors de son baptême, ellestrouvent un écho dans les paroles et les gestes d’un pasteur qui a choisi le nom deFrançois lorsqu’il est devenu pape. Nous avons tous été touchés par l’interviewqu’il a accordée et qui a été publiée la semaine dernière. Entre autres, nous y avons lu ces mots : La chose dont a le plus besoin l’Église d’aujourd’huic’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a le cholestérol et si son taux de sucre est trop haut! Nous devons commencer par soigner ses blessures. Ensuite, nous pourrons aborder le reste... La première réforme doit être celle de la manièred’être. Les évêques, en particulier, doivent être des hommes capables de soutenir avec patience les pas de Dieu parmi son peuple, de manière à ce que personne ne reste en arrière, mais aussi d’accompagner le troupeau qui a le flair pour trouver de nouvelles voies. Au lieu d’être seulement une Église qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, cherchons plutôt à être une Église qui trouve de nouvelles routes, une église capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas. Mais il y faut de l’audace, du courage.

Il est bon pour nous, évêques canadiens, d’entendre ces mots alors que nous nous rassemblons pour notre réunion annuelle. Nous tenterons ensemble de vivre les deux mouvements de la croix : l’union à Dieu dans la prière personnelle et dans la célébration quotidienne de la liturgie des heures et de l’Eucharistie; l’amour miséricordieux pour nos frères et sœurs alors que nous consacrerons de grandes plages de temps aux défis que doivent relever les familles aujourd’huid’une part, et à notre engagement pour la charité et la justice dans le monde par le biais du réseau des Caritas, dont fait partie l'Organisation canadienne catholique pour le développement et la paix. Mais il nous faudra de l'audace et du courage. Cette force, nous ne la trouverons qu'au pied de la Croix du Christ.

Je ne peux m'empêcher, en concluant ma réflexion, d'évoquer le débat au Québec autour du crucifix suspendu au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale. Les partis politiques sont bien voulant de le laisser là comme vestige patrimonial de la culture québécoise. Mais pour les croyants et les croyantes que nous sommes, un crucifix est bien plus qu'un rappel du passé. Il est un symbole vivant de l'appel qui nous habite, bien plus, de Celui qui nous habite. Il nous rappelle que notre vie prend tout son sens lorsque nous nous ouvrons à l'amour qui vient d'en haut, et que nous nous consacrons à répandre cet amour autour de nous. Jacques Cartier a planté une croix lorsque pour la première fois il a débarqué sur cette plage qui deviendrait un jour sol canadien. Notre mission, c'est de replanter la croix sur ce sol canadien tous les jours de notre vie, partout où nous passons, en témoignant de notre foi, en semant l'espérance et en partageant l'amour qui nous pousse vers l'autre pour qu'il vive en plénitude. Que cette semaine, la croix soit au centre de notre rencontre. Et que chaque jour, la croix soit au centre de nos vies.

Jour de jeûne et de prière pour la Syrie

Dans un discours passionné lors de l’angélus de dimanche dernier à la place St-Pierre de Rome, le Pape François a dénoncé la guerre et la violence, invitant les catholiques du  monde entier à observer « une journée de jeûne et de prière pour la paix en Syrie » samedi prochain, le 7 septembre, veille de la fête de la Nativité de Marie, Reine de la Paix.




Quelle date?

La Conférence des Évêques catholiques du Canada avait déjà invité les catholiques du pays à observer une telle journée de jeûne et de prière pour le même motif le samedi 14 septembre, fête de la Croix glorieuse. Évidemment, l’essentiel n’est pas la date, mais l’intention et la pratique. Le 7 arrive rapidement. Afin de mieux se préparer, je nous invite à observer cette journée le samedi 14 septembre, comme l’avait prévu la CÉCC.

La prière

Comment vivre cette journée? D’abord par la prière. Vous pourriez vous rendre à votre paroisse pour y participer à un moment de prière communautaire : la messe, une liturgie de la Parole, un temps de prière devant le Saint-Sacrement, la célébration du sacrement du Pardon sont toutes des activités possibles.

Individuellement, vous pourriez prendre des temps de prière à la maison. Vous pourriez prier le chapelet en méditant les mystères douloureux.


Vous pourriez prier la liturgie des heures : prière du matin (laudes), du milieu du jour (tierce à 9h, sexte à midi ou nones à 15h), du soir (vêpres) et de la nuit (complies). Vous pouvez trouver les textes de ces prières en cliquant le jour-même sur le lien suivant.


Dans la colonne de gauche, vous verrez des hyperliens vers les diverses prières.

Le sens du jeûne

Benoit XVI dans son message du carême en 2011 disait : « Pour le chrétien, le jeûne a une signification profondément religieuse : en appauvrissant notre table, nous apprenons à vaincre notre égoïsme pour vivre la logique du don et de l’amour…  la pratique du jeûne n’a rien d’intimiste, mais ouvre à Dieu et à la détresse des hommes. » 

Depuis Vatican II, l’Église n’impose plus que deux jours de jeûne effectif, soit le mercredi des cendres qui est le premier jour du carême et le Vendredi Saint pour nous associer à la mort de Jésus sur la croix afin de ressusciter avec lui le jour de Pâques. Il peut être offert comme une réparation de nos péchés, une décision de changer quelque chose dans nos vies pour laisser Dieu y prendre sa place, mais il peut aussi être offert pour les autres. Qu’importe la raison de jeûner, c’est toujours un geste de solidarité avec ceux et celles qui n’ont rien à manger, qui sont dans la souffrance.  

Comme ouverture à Dieu, le jeûne est une réponse à l’invitation qui nous est faite : « Soyez des disciples de Jésus ».  Comme il est ouvert à la détresse des humains et intimement lié à la question du partage, le jeûne doit nous pousser à des actions de charité, de solidarité d’un cœur libre de disciples.

Comment jeûner

Dans la tradition catholique, le jeûne ne veut pas dire la privation de toute nourriture. Il s’agit plutôt de modifier notre diète pour l’alléger et la simplifier. On évite les grands repas, on préfère ne pas prendre de viande ou d'alcool, on reste toujours un peu sur notre faim.

Voici une diète proposée pour un jeûne "catholique" :

En se levant,
une orange et un petit bol de gruau ou de céréales.
En milieu de matinée,
une pomme avec du yogourt et un peu de miel.
Au milieu du jour,
un œuf brouillé avec un peu de fromage.
En fin d’après-midi,
une banane sur du pain grillé avec du beurre d’arachides.
En soirée,
une bonne salade aux légumes.


Lorsque la faim vous tiraille l’estomac, pensez aux centaines de milliers de réfugiés de cette terrible guerre civile en Syrie et faites monter une prière au ciel en leur faveur.