Vendredi dernier, j’ai participé à la prière du chemin de croix préparée et présidée par des jeunes adultes (cégépiens et universitaires), des adolescents et des enfants de notre paroisse. Dans leurs propres mots, ils nous ont partagé leurs réflexions et leurs prières. En conclusion de cette célébration, une jeune a pris la parole : « Nous nous apprêtons à entrer dans la Semaine sainte, mais est-ce qu’elle sera vraiment sainte avec la Covid-19 qui continue de menacer notre monde? (…) Elle sera sainte, puisque Dieu est avec nous. »
Semaine sainte ! Curieux nom, en effet, car il sera
abondamment question d’embuscade, de mensonge, de dissimulation, d’accusation,
de manipulation, d’humiliation, de dérision, de trahison, d’acharnement sur un
homme sans défense...et de mort. Difficile en effet d’y voir de la sainteté, au
premier abord. Toutefois, dans la tradition hébraïque, la sainteté évoque à la
fois l’idée de transcendance et d’immanence, d’absence et de présence, de
séparation et de proximité, de mise à part pour être dans une grande
disponibilité. Cette semaine est sainte, parce que, au milieu du déferlement du
mal, on peut voir un chemin, celui du Christ, ouvert dans le plus grand
dénuement; puisque au milieu de son absence on peut percevoir la présence de
Dieu, une présence habitée par la puissance de son amour, capable de défier le
mal et de l’emporter sur la mort.
Parvenir à contempler la sainteté de cette Semaine peut-il
nous aider à discerner la sainteté de notre monde et de notre temps ? Notre
monde et notre époque, eux-aussi, connaissent les mensonges, la maladie, les
violences, les angoisses, les grandes solitudes. Mais notre monde et notre
époque sont également témoins d’engagements magnifiques, de fidélités tenaces,
de présence qui ne se calcule pas auprès de ceux et celles qui sont en
détresse. Engagements, fidélités et présence relayés par plusieurs acteurs
parfois très modestes. Dans le secret de leur coeur, ces femmes et ces hommes
se fient aux appels qu’ils ont entendus et y reconnaissent une promesse.
Lorsque je suis arrivé pour la première fois au Québec,
l’une des choses qui a attiré mon attention est la présence, dans plusieurs
paroisses, d’un local de la Saint-Vincent-de-Paul ou d’un espace abritant un
service de dépannage (souvent alimentaire, mais pas que), à côté de l’église.
Loin d’être de annexes en périphérie des communautés chrétiennes, ces services
nous rappellent que la magnificence de nos églises, la fulgurance de leurs
clochers, la beauté et la candeur de nos assemblées liturgiques et même la
profondeur mystique de notre foi ne sont rien s’il nous manque le souci des
plus démunis. Quand nos assemblées liturgiques se ferment sur elles-mêmes,
elles résonnent évidemment fausses. Quand nos discours ne nous engagent ni de
l’intérieur ni de l’extérieur, ils sonnent bruyamment creux.
À l’ombre des clochers de nos églises, des femmes et des
hommes, en silence, agissent. Simplement et joyeusement, ils répondent présent
à l’appel à soulager les personnes pauvres, celles et ceux qui comptent pour
rien. Comme eux, pendant cette Semaine sainte, les jeunes de notre paroisse
nous rappellent ardemment cette exigence évangélique. Alors que l’épidémie continue
de bousculer nos certitudes, ils se mobilisent autour de la Saint Vincent de
Paul et du Comité-partage. Ils nous rappellent ainsi que notre Église n’est
vraiment telle que lorsqu’elle retrouve l’attention aux plus pauvres, aux
indigents et à tous les Quasimodo de nos quartiers. Ils nous obligent à
redécouvrir notre vocation de disciples-missionnaires, c’est-à-dire à faire de
notre coeur d’agréables espaces où Dieu se sent vraiment bien puisque les
autres y sont accueillis et puisqu’ils s’y sentent également chez eux.
Alors, oui, à l’école des jeunes, dans les rues de nos
quartiers, cette semaine sera une sainte semaine. Auprès d’eux, nous
réapprenons à croire, souvent autrement ! Bonne semaine sainte !
Rodhain Kasuba, Gatineau
29 mars 2021