Texte écrit par
Michel Lacroix, ptre
On
me demande d’écrire un article au sujet de mon implication avec la communauté
musulmane; je le fais avec plaisir. Il faut remonter à 1983, alors que je
travaillais à Développement et Paix. L’organisation nous offrait alors la
possibilité de prendre une année sabbatique après 10 ans de loyaux services. De
plus, on offrait la possibilité de recevoir une petite bourse si, durant cette
année sabbatique, on faisait une recherche ou un travail utile à
l’organisation. J’ai donc présenté un projet de voyage de 9 mois et demi dans
le monde arabe pour m’apprivoiser à cette réalité peu connue à cette époque et
voir si on pouvait trouver des partenaires futurs. Ce voyage m’a conduit en Algérie,
en Tunisie, en Libye, en Égypte, au Soudan, au Yémen du Nord, à Chypre, au Yémen
du Sud (à cette époque, le Yémen actuel était divisé en deux pays), à Bahreïn,
au Qatar, au Koweït, en Jordanie, en Syrie, en Palestine-Israël. J’ai vécu,
durant ce voyage à travers le monde arabe, une des plus belles expériences de
ma vie, tant parmi les chrétiens de diverses églises que parmi les musulmans.
Je suis revenu au pays convaincu qu’une paix juste et durable passait par une
relation harmonieuse et amicale entre l’islam et le christianisme et que ça
pourrait se faire chez nous.
Lorsque
l’imam actuel de la mosquée de Gatineau, Ahmed Limame, fut nommé, nous nous
sommes rencontrés dans le but d’organiser un rapprochement entre la mosquée
sunnite de Gatineau et l’église Catholique de Gatineau. Mgr Roger Ébacher fut
alors invité à une fête du bris du jeûne lors du ramadan et y participa. Les
contacts entre les deux communautés devenaient alors officiels.
Un
comité s’est formé dans chacune des deux communautés en vue d’entamer un
dialogue pour mieux nous connaître. Dès les premières rencontres, on a senti
que, de chaque côté, nous avions du chemin à faire pour briser notre ignorance
et nos préjugés.
Après
plusieurs rencontres, nous avons décidé de passer à une nouvelle étape, celle
d’organiser des soirées sur des thèmes précis, dans lesquelles on présentait le
point de vue musulman et chrétien; par exemple, il y eut une soirée sur la Vierge
Marie, une autre sur engagement social, sur le rôle de la femme dans chacune de
nos traditions et sur le pèlerinage. Nous avons continué à être invités à une
fête du bris du jeûne où Mgr Durocher et moi avons chacun eu l’occasion de nous
adresser à la grande communauté réunie.
Une troisième étape fut celle d’organiser un autre événement festif où chrétiens et musulmans pourraient se retrouver: ce fut une rencontre à une cabane à sucre qui fut une activité bien courue.
Nous
avons aussi organisé une soirée de prière pour le peuple syrien. Du côté
musulman, une prière spéciale a eu lieu et, du côté catholique, une messe de
rite syriaque catholique fut célébrée à la cathédrale Saint-Joseph par le Père
Fadi, réfugié syrien, et l’homélie fut livrée par Mgr Durocher. Les deux
célébrations avaient lieu à la même heure ; trois musulmans assistaient à la
messe catholique et trois catholiques assistaient à la prière musulmane en
guise de solidarité.
Lors
de la tuerie à la mosquée de Québec, en quelques heures, le comité, devenu le Collectif
outaouais de dialogue islamo-chrétien, organisait une marche de solidarité qui
partait de la cathédrale jusqu’à la mosquée, éloignée de quelques rues
seulement. Plusieurs personnes, dont le maire et les conseillers municipaux,
des députés provinciaux et fédéraux se sont mêlés aux fidèles des deux
confessions et à des gens se disant sans confession religieuse, mais voulant
démontrer leur solidarité.
Enfin
la dernière initiative, et la plus exigeante: au fil du temps, après avoir
échangé sur nos religions respectives, après avoir organisé des conférences
ensemble, nous avons créé un réel sentiment de solidarité dans un projet de
parrainage de deux familles syriennes, l’une catholique, l’autre musulmane.
Cette activité nous a demandé de nous surpasser en énergie, en soutien et en
financement. Nous sommes heureux de voir les deux familles établies ici
aujourd’hui et notre tâche d’appui n’est pas terminée. Nous planifions de
produire une vidéo montrant certains points communs de nos deux traditions,
sans masquer les différences. Nous organisons bientôt une fête où les deux
familles parrainées pourront se rencontrer. Marche de solidarité organisée par le collectif le 29 janvier 2017 (photo de la Revue, reprise avec autorisation) |
La
prière, une grande ouverture d’esprit, de la patience, de l’amitié, de la
confiance en l’autre sont, je crois, les ingrédients de notre recette de
succès.