Le
pape François et la question sociale
Le
pape François depuis son élection en 2013 a surpris plusieurs personnes par ses
prises de position et la réforme qu’il fait à l’intérieur de l’Église. Il fait
un pas de plus que ses prédécesseurs, en rendant ses écrits plus pratiques,
moins théoriques. Comme nous verrons, il a même dénoncé des situations et
proposé des solutions dans l'esprit de l’Évangile. Dans ce texte il y a trois parties :
La question sociale et l’évangélisation, une société plus juste et l’option
pour les plus démunis.
La
question sociale et l'évangélisation
La question sociale pour François est une question
d’évangélisation, toujours dans l’optique d’annoncer le Royaume de Dieu au
monde. «Évangéliser c’est rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu. "Mais
aucune définition partielle et ne donne raison de la réalité riche, complexe et
dynamique qu’est l’évangélisation. " Je voudrais partager à présent mes
préoccupations au sujet de la dimension sociale de l’évangélisation précisément
parce que, si cette dimension n’est pas dûment explicitée, on court toujours le
risque de défigurer la signification authentique et intégrale de la mission
évangélisatrice.»[i] C’est tout un défi pour les chrétiennes et les
chrétiens de vivre une conversion sociale. Je remarque depuis une vingtaine
d’années que les croyants vivent de plus en plus une foi spirituelle et moins
une foi incarnée dans la transformation du monde. Le pape n’a pas de réponse
toute faite aux problèmes actuels du monde, mais nous demande d’avoir un
discernement évangélique. Aussi ce n’est pas à lui de dicter ce qui doit être
fait, mais bien à nous tous d’être attentifs aux signes des temps et aux
changements sociaux. «Ce n’est pas la tâche du pape de présenter une analyse
détaillée et complète de la réalité contemporaine, mais j’exhorte toutes les
communautés à avoir "l’attention constamment éveillée aux signes des temps".
Il s’agit d’une responsabilité importante,
puisque certaines réalités du temps présent, si elles ne trouvent pas de bonnes
solutions, peuvent déclencher des processus de déshumanisation sur lesquels il
est ensuite difficile de revenir.»[ii] Pour le pape, notre mission comme chrétiennes et
chrétiens est de rendre la société un peu plus à l’image de Dieu, en ayant un
souci pour les pauvres et une société plus juste. « …. la mission propre
des fidèles laïcs est la transformation des réalités terrestres pour que toute
activité humaine soit transformée par l’Évangile, personne ne peut se sentir
exempté de la préoccupation pour les pauvres et la justice sociale (…).[iii]
Pour conclure, une façon de rendre témoignage de
notre foi au Christ (évangéliser) est de témoigner par de sa présence et de son
espérance au monde (cf. 1 p 3,15). Dans un prochain article, nous verrons
comment le pape voit, une société plus juste.
Une société plus juste
Pour
le pape François, une des dimensions importantes de la foi est de promouvoir
une société plus juste. Il reconnaît que c’est d’abord une tâche qui revient aux politiciens, mais comme croyants
c’est notre devoir de proposer une vision du Royaume à la société. «Bien que "l’ordre juste de la société et de l’État
soit un devoir essentiel du politique", l’Église "ne peut ni ne doit rester à l’écart dans
la lutte pour la justice". Tous les chrétiens sont appelés à se préoccuper
de la construction d’un monde meilleur.»[iv] Par cette citation il donne aux croyants la mission
de s'investir dans le champ politique, pour la promotion de la justice. En
faisant la promotion d’une société plus équitable, il dénonce le système
capitaliste dans lequel nous vivons. Ce système est devenu la nouvelle religion
des temps modernes. Le culte de l’argent est au centre du monde capitaliste.
Pour François, c’est le nouveau veau d’or : «L’adoration de
l’antique veau d’or (cf. Ex 32, 1-35) a trouvé une nouvelle et impitoyable
version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans
visage et sans but véritablement humain.»[v]
Cette citation me fait penser à un titre d’un numéro de la revue de théologie
internationale Concilium «Hors du
marché point de salut.» Pour moi, il ne faut pas que l’économie ou la dette
deviennent le veau d’or des sociétés occidentales. Le message de Jésus nous
invite à favoriser le développement humain dans toutes ces facettes. Le capitalisme tel que proposé mène vers la
destruction du tissu social et communautaire. Il va plus loin en affirmant que
cette économie (tue) les personnes et les sociétés. «De
même que le commandement de "ne pas tuer impose une limite claire pour assurer
la valeur de la vie humaine, aujourd’hui nous devons dire "non à une économie de
l’exclusion sociale".
Une telle économie tue.»[vi]
La société capitaliste dans laquelle nous vivons est axée sur le profit et la
société de consommation. Chaque fois que nous passons les politiques d’austérité
économiques avant les programmes sociaux qui viennent en aide aux plus démunis,
cela tue à petit feu les plus appauvris de la société.
La
doctrine sociale de l’église est claire. Comme croyants, nous devons tendre
vers le bien commun. Lorsque l’apôtre Paul nous présente le Royaume de Dieu dans
sa lettre aux Romains, il affirme : «En effet, le Royaume de Dieu, c’est la
justice, la paix et la joie données par l’Esprit Saint. » (Rm 14,17) En suivant
cette voie, nous sommes invités à travailler à rendre la société plus juste et
équitable.
L’option pour
les plus démunis
Pour François, un autre élément important dans la
pensée sociale de l’Église est l’option préférentielle pour les pauvres. Cette
dernière n’appartient pas seulement aux sciences sociales, c’est une catégorie
fondamentale en théologie. «Pour l’Église,
l’option préférentielle pour les pauvres est une catégorie théologique
avant d’être culturelle, sociologique, politique ou philosophique. Dieu leur
accorde "sa première miséricorde". Cette préférence divine a des
conséquences dans la vie de foi de tous les chrétiens, appelés à avoir "les
mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (Ph 2, 5). Inspirée par
elle, l’Église a fait une option pour les
pauvres entendue comme une forme spéciale de priorité de la pratique de la
charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l’Église.»[vii] Le fondement de cette théologie pour les plus
démunis prend racine dans notre foi en Jésus-Christ. On peut même se demander
si comme croyant et politicien nous avons le souci des plus démunis, des exclus
et des marginalisés de la société. C'est la même chose pour toute personne qui
travaille en Église. Elle est invitée à avoir le souci de chacun, peu importe
sa condition sociale. Le riche et le pauvre sont égaux aux yeux de Dieu. Tous
ont accès au salut et à rédemption. Le pape fait un pas de plus en demandant au
plus fortuné de partager avec ceux qui en ont le plus besoin. Comme cité dans La joie de l’Évangile : «Le
pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le devoir au nom du
Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres, les respecter et
les promouvoir. Je vous exhorte à la
solidarité désintéressée et à un retour de l’économie de la finance à une
éthique en faveur de l’être humain. »[viii]
Dans les années 60, jusqu'au milieu des années 80, les gouvernements
occidentaux s’étaient donné des régimes plus sociaux-démocrates où les riches, par
le paiement des impôts et des taxes, contribuaient plus à la société. Les
gouvernements répartissaient les taxes et impôts dans les différents programmes
sociaux et gouvernementaux.
L’option
préférentielle pour les pauvres est au cœur même de notre foi chrétienne. Nous sommes fortement invités comme croyant à
être au service des plus démunis. La Bible nous rappelle constamment cette attention
pour les exclus que ce soit lorsque Jésus lave les pieds de ses disciples au
dernier repas (Jn 13 1-20), au jugement dernier lorsqu’il écrit : «chaque
fois que vous avez fait cela à l’un mes frères, à l’un des plus petits, c’est à
moi que vous l’avez fait.» (Mt 25, 35-40) ou encore les béatitudes (Mt 5, 1-12).
Jason Noble agent de pastorale et membre de la Table diocésaine de pastorale sociale
[i] Pape François, La Joie de l’Évangile, <>, Médiaspaul,
Montréal, 2013, p. 123