Le vendredi 13 septembre,
Mgr Albert Rouet nous a entretenus sur l’expérience des communautés locales
qu’on décline habituellement sous une panoplie de termes (Équipe d’animation
pastorale, Équipe locale d’animation pastorale, Équipe locale, Communauté
locale, Petite communauté chrétienne, etc.).
1. Présentation de Mgr Albert Rouet
Mgr Albert Rouet est né
en 1936 dans le Centre de la France, de parents agriculteurs. Ordonné prêtre
pour le diocèse de Paris en 1963, il a été pendant longtemps aumônier de
jeunes, responsable de services
diocésains et interdiocésains et vicaire général. Il devient évêque auxiliaire
de Paris en 1986, puis évêque en 1994 et archevêque de Poitiers en 2002. C’est
dans ce diocèse qu’il a initié une expérience pastorale fondé sur la
redécouverte de l’importance de la communion baptismale en Église, appelée
communément les communautés locales. Au sein de la conférence des évêques de
France, il a présidé la Commission Sociale de (1991-1997). Mgr Rouet est
archevêque émérite depuis février 2011.
2. Les grandes lignes de sa conférence
Les communautés locales. De quoi
s’agit-il ?
Pour Mgr Rouet, le
projet tient en quelques lignes. Premièrement, il tient dans un grand chantier
de préparation commencé par ses prédécesseurs, avec notamment l’existence d’un
centre de formation pour les laïcs. Son initiative s’est inscrite dans la
continuité du travail des anciens évêques du diocèse de Poitiers et dans une
histoire commencée avant lui. Ensuite, étant lui-même fils d’agriculteurs
originaires de la région du Centre de la France, voisine de Poitou-Charentes
(où est situé le diocèse de Poitiers), il dit avoir très tôt été sensible à la
situation de ce coin du pays : grandes mutations sociales, culturelles et
politiques. Enfin, l’expérience consiste à permettre aux baptisés-confirmés
d’exprimer les dons que chacun et chacune reçoit de l’Esprit pour le bien de
tous. En clair, elle est une manière de vivre la communion ecclésiale à partir
des responsabilités particulières : des hommes et des femmes – ayant une
vie de famille, engagés professionnellement dans divers secteurs de la société
– apportent à l’Église des situations, des histoires qui donnent corps à leur
vie de croyantes et de croyants. Enracinés dans l’évangile, impliqués dans la
société, ils participent à rendre plus humain leur secteur.
Les motivations ou les occasions
Les changements
sociaux, administratifs et politiques, les mutations de l’espace aussi bien
rural qu’urbain rendaient nécessaire de reconsidérer la manière d’être Église
et de vivre la foi en communauté. Il apparaissait très clairement aux yeux de
Mgr Rouet que la paroisse telle que conçue, spécialement dans le cadre de la
France (une communauté = une paroisse = un prêtre), était de moins en moins en
phase avec la manière dont nos contemporains conçoivent l’espace. Il en est
arrivé au constat que le simple remodelage des paroisses, perspective qui lui
semblait être de courte vue, était insuffisant si l’on voulait s’assurer une
manière nouvelle de vivre la foi dans un monde en perpétuelles mutations. Il
fallait donc inventer et imaginer l’Église autrement. Une conviction :
l’Église est présente là où deux ou trois sont réunis au nom du Christ.
Les sources
À partir donc des
ressources en présence, il a regardé ce qui se passait à l’autre bout du monde :
l’expérience des Communautés ecclésiales des base en Amérique latine et celle
des Petites communautés vivantes du cardinal Malula, en Afrique (Congo).
La référence
Le concile Vatican II
constitue la référence ultime. Pour Mgr Rouet, l’aventure des communautés
locales repose sur une conviction ardente présente dans les intuitions majeures
du concile : celle de poser lucidement
les conditions d’une nouvelle compréhension de la charge ecclésiale et
du partage des responsabilités dans la mission entre les baptisés et les ministres. L’intuition des communautés locales est avant
tout missionnaire : redonner le goût de l’espérance, mettre debout des
hommes et des femmes qui veulent témoigner de leur foi. Le concile a en effet
vivement soutenu l’élan du partage des responsabilités dans la proposition de
l’Évangile.
Le rôle des laïcs
En équipe, des laïcs
exercent la vocation reçue des sacrements de l’initiation chrétienne. En
secteur, une équipe d’animation pastorale, avec des ministères reconnus selon
des charges particulières, anime une unité pastorale fondamentale.
L’évêque
L’évêque, dont la
charge consiste à reconnaître les charismes et les ministères, de sorte que
tout le monde à sa façon et dans l’unité apporte son concours à l’œuvre commune
(LG 30), veille à reconsidérer l’articulation des différents services et
ministères vécus en coresponsabilité.
Le rôle du prêtre
Le prêtre est compris
comme exerçant un ministère de communion. Signe de la communion, il est au
service de la communion, notamment en présidant l’eucharistie et les
sacrements. La communion ne demande cependant pas de tout faire; elle place au
point de rencontre. Le prêtre conduit sur le chemin de la foi, réunit pour la
vie sacramentelle et soutient l’élan missionnaire.
3. Quelques conditions pour une mise en œuvre féconde
Pour Mgr Rouet, il est
fondamental de ne pas imposer, mais de convaincre les gens qu’ils sont capables.
Il convient également d’avancer progressivement au fur et à mesure que les personnes
sont prêtes, de fixer des règles convenables pour le fonctionnement et de s’en
tenir sans cependant en devenir esclaves. Se référer à la typologie bien connue
du père Yves Congar : stabilité, durée, reconnaissance et importance de
porter le(s) projet(s) ensemble.
NB : En France, le père Rouet – comme on l’appelle là-bas – s’est fait une réputation non seulement par sa grande
capacité à tenir un discours de haute volée sans texte et de manière cohérente,
mais aussi par son sens de l’humour, décapant et savoureux. Il nous a
agréablement bien servi ce double sentiment : d’un côté du sérieux, de
l’autre du rire.